vendredi 24 juin 2022

 Sur une scène de théâtre, le public se sentirait plus concerné


https://pdca.st/f2kT

    J’ai commencé à remarquer la souffrance des enfants en voyant Lore, un film de Cate Shortland consacré aux enfants d’Hitler. 

J’avais été invitée à l’avant-première à Bruxelles. Je me souviens être sortie envahie d’un sentiment de tristesse ahurie et j’ai regretté de ne pas m'être levée pour quitter la salle immédiatement. De tous les acteurs, c’était ce petit bonhomme de neuf ou dix mois qui jouait le mieux. Le film n’est pas disponible sur le site de streaming auquel je suis abonnée et je n’ai certainement pas l’intention de payer quoi que ce soit aux réalisateurs et aux producteurs pour pouvoir le revoir et montrer des extraits, mais je me souviens avoir eu le sentiment que le bébé pleurait du début à la fin du film. Et il pleurait pour de vrai, ça, c’est sûr : il ne jouait pas la comédie.

    Quand j’ai vu que ce film a remporté 14 prix, je me suis demandé si je ne devrais pas m’inquiéter pour l’avenir de l’humanité.


    Depuis lors, je sors instantanément de la fiction dès que je vois un jeune enfant pleurer dans un film. Avant, j’étais comme la plupart des gens. Nous sommes tellement conditionnés à ignorer les pleurs des enfants, nous sommes tout simplement tellement habitués à ce genre de scènes que nous ne réalisons pas que ces tout-petits ne JOUENT pas la comédie. Un bébé ne pleurera jamais s’il est heureux, joyeux, calme serein. Il pleure pour exprimer un besoin. Le problème est que plus nous en voyons, plus nous trouvons cela normal et devenons insensibles.

    Dans Love, Rosie par exemple, l’actrice jouant la jeune mère est tellement brillante que je me suis moi-même laissée emporter par son jeu d’actrice et j’ai oublié l’espace d’un instant que c’est une « étrangère » qui laissait délibérément pleurer le nourrisson dans ses bras ! Est-ce vraiment juste pour ce nouveau-né ? Selon la psychologue Dawn Huebner, les nouveaux nés, même endormis, reconnaissent — et préfèrent — leurs parents aux étrangers.


    Un autre exemple.

    J’étais présente à l’avant-première de Kings, un film franco-belge de la réalisatrice Deniz Gamze Ergüven. Un film intense sur la violence interraciale, mais intelligemment équilibré par des émotions et valeurs humaines d’amour, de soins et de partage. J’aurais certainement recommandé ce film s’il n’y avait pas eu trois scènes. Était-ce réellement nécessaire d’ajouter deux victimes à cette triste histoire vraie ? Les bébés « acteurs » méritaient-ils d’être traumatisés ? Je ne le pense pas. Ces trois scènes n’ont rien ajouté à l’intensité du film.

    Dès l’entame du film, des coups de feu se font entendre. La mère paniquée enjoint à ses enfants adoptifs de se réfugier sous la table de la salle à manger. Si tu te focalises sur le petit garçon de deux ans, il est impossible de ne pas voir qu’il est RÉELLEMENT terrifié. Idem quelques minutes plus tard pendant la scène où une casserole prend feu. Toute la maisonnée paniquée crie et se précipite à l’extérieur. Le petit ne SAIT PAS qu’il est en sécurité ! Il pleure de terreur.

    Et idem encore durant les émeutes où l’on voit deux bambins assis par terre, pleurant jusqu’à ce que la morve leur dégouline sur le visage.


    Nous sommes en 2022 ! Il y a belle lurette que nous avons arrêté de maltraiter les animaux pour le plaisir ! N’est-il pas grand temps d’arrêter de malmener de jeunes enfants pour le divertissement ?

Si l’on en croit les explications de Quantum way, il n’y a pas que les chocs traumatiques tels que les accidents, agressions ou catastrophes naturelles, qui peuvent avoir un impact négatif sur le système nerveux. Il existe également les traumatismes développementaux ou relationnels lorsque nous sommes confrontés à la négligence, à la maltraitance ou au manque de sécurité dans l’enfance. Je ne dis pas que ces bébés « acteurs » ont tous des séquelles des situations stressantes dans lesquelles ils ont été délibérément placés pour les besoins d’un tournage, mais je souhaite que des experts médicaux se penchent sur la question. Au début du XXe siècle, on considérait que les bébés n’avaient pas mal, à en croire la doctoresse Catherine Clement. À la limite, dans les services de chirurgie, dit-elle, on ne donnait pas d’antalgiques. On disait : les enfants n’ont pas besoin de leurs parents à l’hôpital. Lorsqu’ils amenaient leur enfant aux urgences, on leur disait : vous, vous attendez dehors mais heureusement, la science et la médecine ont évolué depuis et ont prouvé que l’attachement était primordial dans le développement sain et résilient de l’enfant. Je suis persuadée que d’ici quelque temps, on aura le recul nécessaire pour comprendre à quel point il est injuste de reproduire sur de jeunes enfants une situation difficile, stressante, traumatisante que d’autres ont réellement vécu, juste pour évoquer, montrer, prouver à quel point l’événement a blessé émotionnellement ou durablement de jeunes enfants. Nous sommes au XXIe siècle. Ce n’est plus nécessaire. Les alternatives existent. Les réalisatrices et réalisateurs peuvent faire confiance à l’intelligence des spectateurs qui savent à quoi ressemblent un tout jeune enfant en pleurs. Donc j’en appelle aux réalisateurs, aux producteurs, aux critiques de cinéma, aux journalistes… S’il-vous-plaît, dès que vous voyez un jeune enfant pleurer dans une film, quittez instantanément la fiction. Concentrez-vous, focalisez-vous sur l’enfant et vous verrez qu’il ne joue pas la comédie, qu’il vit réellement les sentiments, les ressentis qu’il exprime par ses pleurs à l’écran. 

J’ai d’ailleurs l’impression que ce serait plus choquant si l’on transposait la situation sur une scène de théâtre. Le public verrait plus rapidement à quel point c’est choquant d’utiliser de vrais bébés en pleurs pour transmettre des émotions, des sentiments de faim, de peur, de fatigue, de détresse…

    Et toi, tu en penses quoi ?


Merci de signer la pétition 😊

https://chng.it/vRzW48ZS

Traumatisme et système nerveux, Quantum Way
https://www.youtube.com/watch?v=HVVpa_-pLkE

Attachement, dissociation et ICV, Dr Catherine Clement
https://www.youtube.com/watch?v=k8jBTuvGLQI



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vendredi 17 juin 2022

Préserver la confiance et le sentiment de sécurité des bébés acteurs


https://youtu.be/3OVYaTEMWGU

https://pdca.st/7Q2w

    Voici un nouvel exemple de “maltraitance” de bébés et d’enfants en bas âge dans les films. Je dis bien entre guillemets, je voudrais parler de malmener, ce qui me permet de découvrir encore un nouveau substantif “malmenage”, mais bon… bof. Plus sérieusement, j’ai bien conscience que bien des violences, maltraitance, abus, inégalités que vivent tant d’enfants à travers le monde sont bien plus graves. Et je suis reconnaissante envers les médias, les associations, les organisations, les personnes qui œuvrent à la sensibilisation des gens dans l’espoir d’éradiquer ces horreurs. Si je m’entête dans mon engagement, c’est parce que je sens au plus profond de moi que d’ici quelques années (j’espère encore de mon vivant), cela deviendra une évidence. Il sera tout à fait normal de filmer des bébés calmes, sereins, heureux et de recourir aux nombreuses alternatives pour évoquer des émotions, des ressentis négatifs.         


    Ces enfants sont notre avenir. Notre civilisation part en capilotade. À mon sens, il est capital de revoir les bases, de revoir l’éducation, de nous centrer davantage sur les enfants, sur les jeunes. Ce sont eux qui créeront le monde de demain. Et si je veux que ce monde soit respectueux des droits de tou.te.s, nous devons commencer par respecter tous les êtres, même les plus jeunes. Même ceux dont nous ne comprenons pas le langage. Les petits humains ont droit à autant d’égards que les grands. 


    Aujourd’hui, je te présente le film indien Amu de Shonali Bose. Autant il est intéressant d’apprendre une partie de l’histoire méconnue des Sikhs, autant il est difficile de ne pas avoir mal au coeur lorsqu’on se focalise sur le petit garçon pendant toute la durée de la scène. Il commence à pleurer lorsque la famille, assise par terre pour le repas, entend soudain les cris d’une foule déchaînée. Il n’est pas nécessaire de comprendre la langue pour savoir que le petit appelle Mummy en pleurant. Durant la totalité de la scène, le petit ne cesse de pleurer. Détonation, coups de feu, hurlements, bris de verre. L’actrice représentant la mère de famille s’écrie anxieusement : « C’était quoi ? », le père se lève, prend un couteau, intime à « sa femme » de rester à l’intérieur avec les enfants. La femme attrape les enfants, les force à se lever et à se cacher sous une tablette…

    Si tu gardes ton attention sur le petit garçon durant toute la scène, tu comprendras qu’il ne fait pas semblant d’être terrifié, il L’EST ! Il pleure pour de vrai et appelle sa maman à l’aide. Personne ne lui aura dit que c’est du cinéma, qu’il n’a pas à avoir peur, que rien de tout ce qu’il vit n’est réel… Bien évidemment, sinon il n’aurait pas pleuré et la scène aurait manqué de réalité.

    Comment ensuite inculquer la confiance à ce jeune enfant ? Comment espérer qu’il développe une confiance dans les adultes, dans la vie ?

    Ai-je vraiment envie que l’on traumatise de jeunes enfants pour mon plaisir de spectatrice ?

Comment les réalisatrices et réalisateurs peuvent-ils penser que ce n’est pas grave ? Et si ça l’était ? Dès que l’on s’efforce de ne pas se laisser emporter par la fiction, dès que l’on garde une attitude d’observateur conscient, comment ne pas penser que c’est injuste d’infliger cela aux jeunes enfants ? De provoquer chez ce petit la peur, l’angoisse, le désespoir de ne pas recevoir le réconfort et l’aide qu’il réclame… 

    Si on remplaçait le bambin par un animal, je suis sûre que des personnes parleraient de cruauté. 


    Et toi, tu en penses quoi ?

    Veux-tu soutenir mon engagement en signant la pétition ou en m’envoyant d’autres exemples de « malmenage » de bébés sur les tournages ?


La pétition :


https://chng.it/vRzW48ZS

Amu, Shonali Bose, 2005

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vendredi 10 juin 2022

L’angoisse de la séparation


    Dans mon engagement à sensibiliser le monde à la détresse psychologique et émotionnelle des bébés et enfants en bas âge dont on utilise les pleurs dans les films, je t’en présente un aujourd’hui qui me fend le cœur. Je ne l’ai regardé jusqu’au bout que pour en extraire les passages dont j’avais besoin pour argumenter ma vision de ces scènes que j’estime délétères pour le développement de l’enfant. Il s’agit de 3 Türken und ein Baby (3 Turcs et un bébé) de Sinan Akkuş que je t’invite à regarder en pleine conscience. La petite « actrice » doit avoir deux ans environ car elle n’a pas encore la parole. Elle exprime cependant très clairement sa détresse psychologique par ses pleurs et par son langage corporel. 


    Je m’interroge vraiment sur ces scènes écrites, programmées d’un film. Les parents expliquent-ils à leur enfant qu’on va les faire (ou laisser) pleurer pour le plaisir, pour faire rire des gens ou les émouvoir ? Combien de personnes adultes y a-t-il sur le tournage d’un film ? Vingt ? Cinquante ? Cent ? Plusieurs centaines ? J’aurais voulu être une mouche pour voir la réaction de tous ces gens : étaient-ils indifférents aux pleurs de la petite actrice ? Décontenancés ? Tristes ? Amusés peut-être puisque le but du film était de faire rire. Aux dépens de la petite fille ?!? Si ça tombe, la mouche, elle, aurait été horrifiée de voir ce que notre espèce inflige à ses petits. Parce que la petite figurait parmi les meilleurs acteurs du film : quand elle se débat, quand elle s’écarte ostensiblement du buste de l’acteur qui la porte, quand elle tente vainement par ses cris et ses pleurs d'obtenir de sa maman qu'elle vienne la reprendre des bras de cet homme, elle pleure VRAIMENT.

    Dans la scène de l’hôpital, lorsqu’elle est assise sur les épaules de l’homme, elle est tranquille au début. Si tu te concentres sur son visage, en particulier ses yeux, tu verras qu’elle regarde vers le bas, observe quelque chose ou quelqu’un puis se met soudainement à pleurer. Et si tu restes concentrés sur son regard, tu remarqueras que ses émotions, ses appels à l’aide sont réels. Qu’a-t-elle vu ? Qu’a-t-on fait pour déclencher ses pleurs ? N’est-ce pas tordu de rechercher CE QUI va immanquablement déclencher les larmes de la petite fille pour l’utiliser à dessein ? Pour le divertissement ? C’est choquant, non ?


    Selon la psychologue Dawn Huebner, même si l’angoisse de la séparation est la plus forte entre six et huit mois, les nouveaux nés, même endormis, reconnaissent — et préfèrent — leurs parents aux étrangers. Quant aux bruits soudain et forts, ils effraient et déstabilisent les bébés parce qu’ils n’ont pas encore un système sensoriel complètement développé, dit-elle. Et ces bruits peuvent être ressentis comme physiquement inconfortables, même chez les bambins, ajoute la psychologue Tamar Chansky. La clé, explique une autre psychologue, Janine Domingues, c’est le confort. Un nourrisson ou un enfant en bas âge est encore dans la phase de développement du lien de sécurité qui le rattache à ses parents. Il est donc essentiel qu’il sache qu’ils le maintiendront en sécurité*.


    Depuis ma prise de conscience, je sors instantanément de la fiction dès que je vois un jeune enfant pleurer dans un film. Avant, j’étais comme la plupart des gens. Je pense que nous sommes tout simplement tellement conditionnés à laisser pleurer les bébés, tellement habitués à ce genre de scènes que nous ne réalisons pas que ces tout-petits ne JOUENT pas la comédie. Le problème est que plus nous en voyons, plus nous trouvons cela normal et devenons insensibles. C’est pour cette raison que je continuerai mon combat. Une personne à la fois…

    Et si c’était toi ?

    Merci de signer la pétition pour participer à la co-création d’un monde juste.


https://chng.it/vRzW48ZS

    

Sunny Sea Gold, Kid fears at every age, Parents, 2017

https://www.parents.com/toddlers-preschoolers/development/fear/kid-fears-at-every-age/
(consulté le 24 mai 2022)


3 Türken und ein Baby, Sinan Akkuş, 2015




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